POURQUOI CRITIQUER?
Cher lecteur,
Ces derniers temps on m'a interrogé à propos des critiques que j'ai exprimées sur notre situation, mais principalement au sujet de la manière dont les prêtres, qui sont généralement classés comme résistants catholiques, s'acquittent de leur ministère. C'est avec grand plaisir que je réponds maintenant à ces questions, qui étaient aussi, pour une part, accompagnées de reproches.
On m'a rapporté, il y a quelques années, une anecdote concernant un industriel italien, lequel mit dehors tout le personnel, après qu'une fraction des ouvriers eut commencé à faire grève pour des revendications mineures. Ce faisant les grévistent paralysaient la production de l'entreprise qu'ils croyaient pouvoir ainsi réduire à quia. Alors s'élevèrent des hurlements - en Italie on commence toujours par crier - et le patron promit de reprendre le personnel exclus, mais à une condition formelle: qu'il cessât de jouer et entreprît réellement de travailler. Le directeur n'avait en effet nulle envie de voir la firme s'enfoncer progressivement dans la ruine, par suite de grèves continuelles et autres idioties. S'il fallait envisager cette fin, il valait mieux qu'elle se produise au plus tôt. Il ne se prêterait pas au petit jeu du pourrissement.
Ceci peut s'appliquer à notre situation, en d'autres termes, les termes mêmes de St Grégoire-le-Grand: "I1 vaut mieux faire naître un scandale, que de lâcher la vérité." ("Melius est ut scandalum oriatur, quam ut veritas relinquitur".) Je veux dire, qu'une vingtaine d'années après "le concile", chacun peut bien finir par comprendre comment on en est arrivé à une telle catastrophe spirituelle, à une trahison manifestement universelle de la Révélation apportée par N.S. J.C., par comprendre aussi ce qui est exigé de chaque chrétien pour essayer d'améliorer notre situation désastreuse - au cas où la Miséricorde incommensurable de Dieu pourrait continuer de la tolérer. Mais c'est tout le contraire: beaucoup de prêtres, dénommés conservateurs, continuent de faire sonner bien haut leurs propres mérites, tout en se perdant par les sentiers de l'arrogance, de la couardise, de la sottise et de la paresse... Il y a aussi 1'argent qui fait loucher. (J ' ai appris qu'un prêtre espagnol donne son traitement aux pauvres, et se procure d'autres fonds en collectant les métaux et les vieux papiers, afin de pouvoir aider d'autres indigents. Mais ce prêtre est moderniste.)
Que doit-on penser des fameux abbés de Blignières et Lucien? D'abord ils quittent Lefèbvre, leur maître, à cause de dissensions sur le"pape" et la "messe". Ensuite ils se mettent au travail et rédigent un savant mémoire, dont ils font certifier l'excellence par le sceau qu'y appose Mgr Castro-Mayer, jusqu'alors très prudent dans la bataille pour l'Eglise. Ils laissent cet évêque y ajouter en gage de dévouement, une épître dédicatoire adressée au "Saint-Père", lequel n'existe pas, si l'on en croit leur propre argumentation! La triste ironie de cette affaire menée avec "astuce sur le plan de la théologie et de la diplomatie", c'est qu'entre temps le fameux Castro-Mayer n'a pas cessé de collaborer avec 1'évêque honni, Lefèbvre (dont pourtantles dissidents - à l'exception des abbés Lucien et Schäfer - utilisaient volontiers le saint-chrême, et refusaient l'onguent consacré par Mgr Guérard des Lauriers.)
Je recommande à chacun d'entre vous de transposer cette conduite dans un exemple analogue emprunté à une activité quelconque de notre vie de tous les jours. Demandez alors à un de nos contemporains, non prévenus, ce qu'il pense de semblable comportement. Questionnez par exemple la laitière où le coiffeur: sa réponse ne laissera subsister aucun doute. On ne peut en effet que se prendre la tête à deux mains en oyant telle inconséquence!
Mais le plus effrayant, c'est le refus de ces prêtres de s'adonner à la tâche pour laquelle ils ont été spécifiquement préparés, le ministère dont on a partout un urgent besoin: prendre soins des ouailles et les guider à travers les ravins dangereux qu'il leur faut franchir aujourd'hui.
Que signifient des études sur le "Notre Père" et le Rosaire - que tout un chacun connaît bien; c'est prier qu'ilfaut, voilà à quoi il faut les utiliser - alors que ces savants auteurs refusent de travailler à la solution qui doit nous faire sortir d'une impasse fatale? Que penseriez-vous cher lecteur, d'un docteur qui, face à un grave accident de la circulation se contenterait de ramasser un mouchoir et de le rendre à son élégante propriétaire, alors que gisent à terre des blessés qui perdent leur sang? Ce refus c'est précisément le contraire de ce qu'a fait la Sainte Vierge. ("Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole.") C'est là une trahison pire que toutes celles qui ont été commises jusqu'à présent. St Grégoire-le-Grand assimile cette conduite à celle d'un pâtre qui contemplerait paisiblement son troupeau, alors que les agneaux sont assaillis par les loups.
De quel droit, au vu de notre état misérable, pourrait-on taire cette trahison qui est perpétrée sous le couvert d'une prétendue orthodoxie? Mon devoir n'est pas de cacher l'arrogance et le refus dans la soutane! Ou bien on entre honorablement dans la bataille pour combattre de bon coeur, ou bien on cesse de se couvrir du manteau de la tradition. Tout'autre attitude n'est que faux- semblant. Si le rédacteur d'Einsicht fermait les yeux sur une traîtrise d'aussi haute volée, il en porterait la responsabilité devant le Seigneur, devant sa propre famille, et devant vous, cher lecteur.
Chacun doit s'efforcer d'intervenir en jeûnant, en priant et en travaillant, en priant et travaillant encore davantage... chacun selon ses propres forces, et cesser de mentir; sinon nous aurons tôt fait de gaspiller ce qui reste de la Miséricorde Divine.
Nous sommes en carême. Laissons-là les explorations vers les cîmes de la religion, qui ont l'air grandiose. Commençons par dire avec humilité et sincérité ce mea culpa que nous marmonnons souvent sans y penser au cours de "notre" messe antique et éternelle.
Fait à Munich, le 14 Mars 1984,
Eberhard Heller.
(Traduction d'André Corrihons)
ROSARY: PLEASE, PRAY AS OFTEN AS POSSIBLE THIS PRAYER FOR OUR KIDNAPPED ARCHBISHOP PIERRE MARTIN NGO-DINH-THUC. |